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notes de lectures
24 juillet 2020

Morphine, Jean-Louis Dubut de Laforest

Thérèse avait pris machinalement des journaux illustrés et contemplait un portrait de Christine Stradowska, la diva illustre, la belle maîtresse de Pontaillac. Celui-ci, fatigué de lutter contre une obsession, s'était baissé, et ayant relevé son pantalon et un caleçon de soie, venait de se faire à la jambe une piqûre de morphine.

Comme il se dressait, Luce Molday vit un objet briller dans sa main, et elle s'en empara, très rieuse.

—Eh! la jolie seringuette!

—Donnez-moi ça?

—Non! non!

Et elle passa au docteur la petite seringue de Pravaz à laquelle l'aiguille perforée adhérait encore.

—Je ne vous la rendrai pas, capitaine! Je vais l'écraser sous mon talon! vociféra Lapouge, debout.

—Ne vous gênez pas, major; la piqûre est faite. Il y a une autre Pravaz dans ma poche et j'en ai quatorze à la maison.

Alors, Lapouge observa Pontaillac. Il lui semblait métamorphosé, car si pour les autres regards, le capitaine avait conservé, sous les dehors d'un chagrin amoureux, les apparences d'une verdeur extraordinaire,—seul, l'œil du major venait de noter les tremblements furtifs du morphinomane. En même temps que les yeux perdaient leur inquiétante fixité, la voix tout à l'heure très rauque, sonnait en des vibrations de pur cristal; le geste, tout à l'heure incertain, comme incertaine la démarche, le geste retrouvait sa mesure, sa force, son charme.

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